Le manque d’activité physique, un mal chez les adolescents du monde entier (Le Monde 22/11/19)

Rédigé par Serge - -

Après avoir interrogé 1,6 million d’adolescents dans 146 pays, des chercheurs ont constaté que plus de 80 % d’entre eux ne pratique même pas une heure d’exercice par jour.

De la chaise d’école au siège du bus, du canapé au lit, et rebelote le lendemain… Dans leur vie quotidienne, de nombreux adolescents ne fournissent que très peu d’efforts physiques.

Trop peu, même, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui met en garde contre les effets délétères de cette inactivité dans une étude publiée vendredi 22 novembre dans la revue médicale The Lancet Child & Adolescent Health. A travers le monde, plus de 80 % des jeunes ne satisfont pas à la recommandation officielle qui est d’effectuer une heure d’exercice chaque jour.

Pour parvenir à cette estimation, les chercheurs ont compilé des données recueillies dans le cadre scolaire auprès de 1,6 million d’adolescents âgés de 11 à 17 ans et résidant dans 146 pays différents. « Ces jeunes ont répondu à des questionnaires sur leurs dépenses physiques au sens large, comprenant le sport mais aussi les déplacements actifs comme la marche ou les tâches domestiques », explique Regina Guthold, de l’OMS, auteure principale de l’étude.

Epidémie de paresse

Basées sur des autoévaluations, ces données comprennent une part d’imprécision. Par ailleurs, seuls les ados allant à l’école ont été pris en considération, alors que, dans certains pays, ils sont nombreux à avoir arrêté leur scolarité. « Mais ces résultats sont probablement les meilleures estimations disponibles des tendances globales, régionales et temporelles pour les niveaux d’activité physique chez les adolescents », estime Mark Tremblay, de l’Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (Canada), dans un commentaire qui accompagne l’étude. Sa conclusion est sans appel : les ados sont trop sédentaires. Et le problème ne se cantonne pas aux pays riches. A titre d’exemple, en 2016, la prévalence de l’inactivité physique des jeunes était de 78,4 % en Moldavie, 87,5 % en Egypte, 93,4 % aux Philippines, 84,7 % au Pérou ou encore 87 % en France.

Manque de connaissances ou d’équipements, sécurité insuffisante des infrastructures, accroissement du temps passé devant des écrans : de nombreuses explications sont avancées pour expliquer cette épidémie de paresse.

Or celle-ci met en danger la santé des adolescents : « Le manque d’activité physique entraîne un risque accru de surpoids et de maladies chroniques comme le diabète ou les douleurs de dos », détaille Chiara Testera, de la fondation Promotion Santé Suisse. « Pratiquer de l’exercice régulièrement est favorable au développement cognitif et donc à la capacité à apprendre, explique Regina Guthold. C’est aussi propice à l’établissement de liens sociaux. » Enfin, les études suggèrent que les ados actifs ont tendance à le rester à l’âge adulte.

« Plus de quatre heures par jour devant un écran »

 

La France n’est donc pas en bonne place, avec 87 % des adolescents de 11 à 17 ans qui ne respectent pas les recommandations faites en 2016, soit un peu plus qu’en 2001 (86,2 %). D’autres enquêtes nationales vont dans le même sens. De même, selon le dernier­­­­ ­rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « à 15 ans, seulement 14 % des garçons et 6 % des filles exercent une activité physique quotidienne en France ». La faute là encore à un mode de vie délétère.

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La sédentarité progresse, comme chez l’adulte d’ailleurs. « Entre 2006 et 2015, le temps d’écran quotidien a augmenté d’une heure chez les 6-17 ans, soit plus de quatre heures par jour devant un écran »rappelait François Bourdillon, ancien directeur général de Santé publique France, lors de la sortie d’un rapport sur le sujet en 2017. Sans compter la part des déplacements actifs qui décroît d’année en année.

L’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps) a réalisé en 2018 un état des lieux de l’activité physique et de la sédentarité des enfants et adolescents français, le Report Card« Rarement la littérature scientifique a autant fait la promotion d’un mode de vie sain à tout âge. Pourtant, les statistiques n’ont de cesse de nous alerter sur une diminution de la pratique physique de nos enfants et adolescents, parallèlement à un accroissement toujours plus important de leurs comportements sédentaires », alertait ce document.

Les filles, les plus concernées

Autre constat de l’étude : que ce soit en France, en Suisse, ou presque partout ailleurs dans le monde, les jeunes filles sont les plus concernées par le problème. En 2017, une étude de l’Insee évoquait notamment un manque d’offres, dans le sport, à destination des filles. Elles sont globalement 85 % à ne pas suivre les recommandations en matière d’activité physique, contre 78 % chez leurs congénères masculins. Une situation d’autant plus préoccupante que cet écart continue de se creuser. Alors que la prévalence du manque d’activité physique a diminué de 2 % depuis 2001 chez les garçons, elle est restée stable chez les filles. Cette différence est encore plus accentuée dans l’Hexagone, avec 82,4 % des garçons qui ne bougent pas assez, et 91,8 % des filles.

En 2018, les états membres de l’OMS se sont mis d’accord sur une feuille de route visant à réduire la prévalence de l’inactivité physique chez les ados de 15 % d’ici à 2030. En revanche, « au vu des chiffres, il y a peu de chances que nous y parvenions », regrette Regina Guthold, qui invite les pouvoir publics à se saisir du problème, notamment en développant de nouveaux programmes d’incitation à destination des filles. »

Pascale Santi et Pascaline Minet («Le Temps»)

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