BNW chez les lavandières des Pauvres Gens.

Rédigé par Serge - -

Nous sommes en alerte pollution depuis plusieurs jours. En ce samedi matin, Jean-Emmanuel, Laurence, Josiane, Jean-Pierre, Patrick et moi-même avons décidé de nous éloigner de la ville  pour un endroit où dioxyde d’azote, monoxyde de carbone et autres particules sont un peu moins présents. Ce sera la forêt de Val Suzon, la « petite Suisse Bourguignonne ».

Le covoiturage a fonctionné et le départ notre marche est à Darois. Chez les « Pauvres Gens », sobriquet donné aux Daroisiens.  Nous suivrons une grande partie du GR7, ce sentier de grande randonnée qui relie les Vosges aux Pyrénées et du sentier Bouton d'Or. Les conversations vont bon train. Chacun y va de sa théorie sur le mystère du Boeing disparu de Malaysia  Airlines et de ses suggestions pour réduire la pollution ou encore parle de ses récents voyages à Prague, à Londres ou dans le Jura. La prochaine participation de l'un d'entre nous (devinez qui ?) aux championnats du monde de marche nordique en Allemagne est évidemment à l'ordre du jour.    

La vitesse est très raisonnable et nous sommes dans un état de zénitude total.  Sans s’arrêter trop longtemps, nous contemplons combes,  fontaine de la Trouvée, source des Chénaux et les innombrables perce-neige, anémones et violettes qui jonchent le chemin. Le vrombissement des   avions Robin en bois et toile de l’aéroport de Darois tout proche se mêle au chant des pouillots siffleurs, rougequeues et autres chardonnerets. 

Nous arrivons au beau lavoir de Darois, très bien conservé. La troupe s’attend alors à voir surgir, agenouillée sur une planche à laver, au milieu des ballots de linge et couvrant le bruit des battoirs et les rires des autres lavandières, notre légendaire Mère Denis aux bonnes joues roses.

Dur travail que celui de la lavandière ! Savonner, frapper, brosser, rincer, égoutter, pousser la brouette...Et en hiver, l’eau est glacée... Ce lavoir, bien qu’il soit couvert - protégeant ainsi les lavandières des intempéries - est probablement un lieu de dur labeur. Mais c'est aussi un espace où les femmes se retrouvent au moins une fois par semaine. A Darois comme dans de nombreux villages alentour, les femmes n’ont ni le droit de vote ni d’être élues et le bistrot est réservé aux hommes ! Le lavoir est un lieu de liberté, de solidarité féminine, un espace où les femmes peuvent se réunir et échanger.    

Hors de la présence des hommes, on y passe en revue, à haute voix pour couvrir le bruit des battoirs et dans un « langage imagé » proverbial, la vie du village, ses ragots, ses potins, ses secrets d’alcôve... C’est « le journal parlé de la paroisse »...

Comme chez les marcheurs nordiques, la convivialité s'invite souvent avec, pour accompagner le pain et fromage, un peu d’absinthe ou de vin chaud,... Rires et chansons font alors oublier la rudesse de la tâche.

On raconte que, parfois, pour une place près de la fontaine ou un morceau de savon de suif, éclate un crêpage de chignon et que le battoir trouve une autre destination que celle de battre le linge...

Nous n’entendrons pas le célèbre « Ch’est ben vrai cha !» de la mère Denis, ni les caquetages, ni les rires et les chants des lavandières, ni les coups de brosses et de battoir... Tout juste percevons-nous le léger clapotis de l’eau de la Motte courant de la fontaine au grand bac, limpide, sans trace ni de savon ni de suif ni de cendre.

Bravo à tous ceux qui, respectueux de ce patrimoine, entretiennent aujourd’hui ce « lieu de mémoire » qui a abrité le travail banal, harassant, sans gloire mais indispensable de nos lavandières.

Les commentaires sont fermés.