La poussée sur le bâton et la magie de la marche nordique

Rédigé par Serge - -

Source : Jean Pierre Guilloteau, Accompagnateur en Montagne et formateur en marche nordique

Lorsque l’on me demande de définir la marche nordique en une phrase, je réponds souvent « c’est une marche dynamique qui se pratique avec des bâtons sur lesquels on appuie avec les bras pour aider à la propulsion ». Et j’ajoute « ainsi les bras contribuent à l’effort autant que les jambes, on devient quadrupède ».

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En effet la caractéristique immédiatement visible de notre sport, c’est que nous avons des bâtons. Cela nous distingue des autres marcheurs et des coureurs. Nous sommes censés les utiliser de la façon la plus efficace possible. Là interviennent le geste, l’amplitude, la technique, la synchronisation. Vous le savez comme moi, ce n’est pas si simple de faire correctement de la marche nordique ! Il ne suffit pas d’avoir des bâtons en main et de les planter par terre un peu comme on veut. Si on les a autant les utiliser avec la bonne technique.

Je vous propose donc dans cet article d’aborder cet élément essentiel qui est le planté et la poussée sur le bâton. Cela me permettra de parler de la position du planté, de l’angle de la poussée, ainsi que de la taille du bâton.

Les deux photos ci-dessous présentent le mouvement standard. On retrouve notamment :

1 - le bras allongé, 2 - le bâton planté au milieu de la foulée, 3 - un appui exercé dans le sens du bâton, 4 - une poussée longue avec une belle amplitude du bras.

Action – Réaction

Tout d’abord un point évident, mais qu’il convient de rappeler. Pour que le bâton nous renvoie une force, il faut appuyer dessus « à contre », comme si on voulait l’enfoncer dans le sol. Autrement dit, on va exercer avec le bras une force qui est exactement dans le sens du bâton. On parle de force « colinéaire » au bâton (voir photos). Si le sol était constitué de mousse de polystyrène, alors on l’enfoncerait vraiment. Mais comme la terre est compacte et dure, elle nous renvoie une force tout aussi « colinéaire » au bâton, mais dans le sens exactement opposé. C’est ce qui nous propulse. Et nous allons voir comment.

Pour bien comprendre et ressentir la poussée standard, il est possible de la décomposer en deux parties : la poussée verticale et la poussée horizontale.

La poussée verticale

Pour la tester, prenez un bâton, enfilez votre gantelet, tenez-vous bien droit-e, posez le devant vous et exercez une force verticale. Que ressentez-vous ? Une poussée vers le haut bien sûr ! Et uniquement vers le haut. Rien ne vous pousse vers l’avant.

Le schéma n°1 décrit ce qui se passe, avec des flèches représentant les forces. Vous avez en vert, votre force exercée vers le bas. Et vous avez en rouge la force de réaction du sol exercée vers le haut. Cette force est 100% verticale.

La poussée horizontale

Maintenant je vous propose une expérience étonnante. Placez-vous debout devant un mur. Posez votre bâton en arrière sur le mur, en veillant bien à ce qu’il soit absolument horizontal (faite vérifier par quelqu’un). Puis appuyez fortement dessus en exerçant une force horizontale. Vous êtes projeté-e vers l’avant. Laissez-vous aller, faite un grand pas. Et recommencez plusieurs fois. Vous allez ressentir ce qu’est une poussée uniquement horizontale, à ras de terre, vers l’avant, sans aucune élévation. La sensation bizarre n’est-ce pas ?

Le schéma n°2 décrit ce qui se passe, avec des vecteurs. Vous avez en vert, votre force exercée vers l’arrière. Et vous avez en rouge la force de réaction du mur exercée vers l’avant. Cette force est 100% horizontale.

Le geste standard : une poussée mixte vers le haut et vers l'avant

Passons maintenant au geste que nous faisons normalement. Nous plantons le bâton au milieu de la foulée avec le bras allongé. Le bâton est donc incliné. La force que l’on va exercer dessus avec le bras sera elle aussi inclinée : ni complètement horizontale, ni complètement verticale. La force de réaction renvoyée par le sol sera également inclinée, à la fois vers l’avant ET vers le haut.

Le schéma n°3 permet de voir en détail ce qui se passe. On retrouve, en vert, la force exercée par le bras, et en rouge, la force de réaction du sol. Cette dernière est décomposée sur le graphique de droite. On dit que cette force a deux composantes :

· une composante horizontale (h). C’est cette composante horizontale qui nous envoie vers l’avant, celle qui nous fait avancer. L’aide à la propulsion que l’on ressent en marche nordique vient de là !

· une composante verticale (v). C’est cette composante verticale de la force (on se croirait dans « star wars » …) qui nous soulève, qui nous soulage en partie de l’attraction terrestre (encore « star wars »), celle en tout cas qui diminue la pression sur nos chevilles, nos genoux, nos hanches, notre dos.

Voilà pourquoi notre sport est magique. Parce qu’une utilisation correcte du bâton nous pousse en même temps vers l’avant et vers le haut, parce qu’elle nous fait avancer et qu’en même temps elle nous allège.

Mais on peut aller un cran plus loin dans l’analyse. En effet une observation attentive du petit schéma de décomposition des forces (schéma n°3) nous permet de voir clairement que la composante verticale est plus importante que la composante horizontale. Autrement dit, quand on appui sur notre bâton, le sol nous renvoie une poussée qui est plus forte vers le haut que vers l’avant.

Et oui ! C’est important de bien comprendre ça : la poussée sur le bâton de marche nordique nous envoie d’avantage vers le haut que vers l’avant !!

Il est tout à fait possible de le ressentir grâce à un exercice simple : partez en marche nordique standard (il n’est pas nécessaire d’aller vite). Appuyez assez fort sur vos bâtons. Maintenez l’effort durant une bonne minute. Puis tout en continuant à marcher, cessez brusquement d’appuyer sur les bâtons, relevez-les. Concentrez-vous sur vos sensations. Répétez plusieurs fois l’exercice. Vous devriez ressentir un affaissement général lorsque vous arrêtez d’appuyer.

La position du planté

Ce que nous venons de voir peut être modulé en variant un paramètre important : la position du planté. Le mouvement « standard » se fait avec un planté au milieu de la foulée environ. Mais que se passe-t-il lorsque l’on change cela ? Encore une fois, pour bien comprendre, rien de tel qu’un petit croquis.

Le schéma n°4 montre un marcheur qui plante le même bâton (de même taille) à trois endroits différents :

1 - au niveau du pied arrière, 2 - au milieu de la foulée (standard), 3 - au niveau du pied avant.

Il apparaît immédiatement que l’inclinaison change, et de façon importante.

A la droite du schéma, les trois petits diagrammes de décomposition des forces montrent, pour chaque position de planté, la force de réaction du sol avec les composantes horizontales et verticales associées.

Il est facile de constater que plus on plante le bâton vers l’arrière, plus la composante horizontale augmente et plus la composante verticale diminue.

Donc pour la même quantité de force exercée, en position de planté n°1 on aura d’avantage de poussée vers l’avant et moins vers le haut. En revanche, en position de planté 3, ce sera l’inverse : on augmentera la poussée verticale et on n’aura presque plus de poussée horizontale.

Vous voyez qu’il est donc possible de moduler, dans une certaine mesure, le rendu final de la poussée, en choisissant (en conscience …) le lieu de planté.

La longueur du bâton

La position de planté en arrière est intéressante pour ceux qui souhaitent privilégier la poussée vers l’avant (les compétiteurs par exemple). Son désavantage est que le bras lui-même est positionné plus en arrière et que l’amplitude disponible pour la poussée est limitée (arc de cercle violet sur le schéma n°5).

Pour récupérer une amplitude correcte tout en gardant un angle de poussée avec une composante horizontale importante, il suffit d’augmenter la taille de son bâton. Sur le schéma n°5, le bâton orange est plus grand. Il permet au bras de retrouver une belle possibilité d’amplitude (arc de cercle orange), tout en gardant l’angle plus incliné souhaité.

Je vous invite vraiment à tester cela. Marchez avec des bâtons de tailles différentes : plus grands ou plus petits de 5 à 10 cm. Et variez la position du planté. Expérimentez. Ressentez. Et choisissez.

Les compétiteurs connaissent bien cela. Ils sont juste limités par la réglementation des courses qui interdit de poser plus loin que le pied arrière.

Bien sûr, en théorie, plus on plante loin en arrière, plus la composante horizontale augmente. On pourrait pourquoi pas imaginer marcher avec des bâtons très grands, plantés très loin derrière ! On serait alors poussé très fort vers l’avant. Mais cette fois je vous laisse faire le croquis vous-même !

Bonne marche !

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