Canicule : En perdant 1% de son poids en eau le sportif perd 10% de sa force

Rédigé par Serge - -

Source : Jean Jacques Menuet, médecin du sport

La chaleur et la canicule ont un retentissement nuisible sur la performance avec également un risque sur la santé; quels sont les  bons conseils pour faire du sport quand il fait chaud ? Quelles sont les conséquences de la canicule ? Comment s’hydrater quand il fait chaud ?

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Des précautions sont à mettre en place pour la santé d’abord, mais aussi pour la performance; médecin du sport et nutritionniste du sport, j’occupe, entre autres de mes activités, le job de médecin d’équipe d’une formation française de cyclisme professionnel; le sport cycliste est vraiment concerné par les conséquences de la grande chaleur car le départ a souvent lieu en début d’après-midi quand les températures sont maximales.

Cet article s’attache à apporter des conseils spécifiques pour s’adapter à la chaleur, mais aussi à poser les responsabilités de chacun car  peut-être faut-il aussi penser à la santé du sportif.

Je m’apprête donc à cadrer ainsi cette intervention :

++ Conseils pratiques chez le cycliste professionnel et rôle du médecin d’équipe, en abordant aussi le cycliste amateur

++ Conseils plus brefs sur les autres sports

++ La santé du sportif ; et puis de la part du sportif « loisir » : un peu de bon sens ….

Je vais détailler aussi des conseils pour mieux gérer la chaleur quand on joue au foot, ou au tennis, ou quand on pratique la course à pied.

COURSE CYCLISTE ; 3 phases : avant la course, pendant la course, après la course :

AVANT la course :

-Pendant les 2 heures qui précèdent consommer régulièrement 500 à 750ml d’une boisson faiblement glucosée (plutôt des matodextrines) mais riche en minéraux ; car dans la sueur on perd bien sûr de l’eau mais aussi : du sel, du potassium, du magnésium, du Zinc, du Cuivre, et même un peu de Fer…

-Ne pas s’exposer au soleil , rester dans un endroit frais et ventilé.

-Si un départ fictif précède la course, je conseille d’amener une petite bouteille d’eau + minéraux (dans la poche derrière le maillot, ou dans le cou), afin de ne pas taper tout de suite dans les deux premiers bidons de course.

PENDANT la course :

BOIRE régulièrement, par 2-3 gorgées à la fois (boire plus en quantité ça ralentit l’hydratation car l’estomac ralentit sa vidange), toutes les 15mns ; un exemple = lors d’une étape de montagne avec grosse chaleur sur le Tour de France un coureur peut boire 12 à 14 litres pendant son étape. Quels conseils pour la boisson quand il fait chaud: —>  SOIT UNE BOISSON « PERSO » = de l’eau plate avec du sel (une pincée de sel par 10° de T° et par bidon de 500ml donc par exemple  4 pincées de sel par bidon si T° 40°) et avec un produit sucré (sucre, ou miel, ou sirop de fruit ou boisson du commerce ; —> SOIT des boissons minéralisées et glucosées, qui sont proposées par toutes la marques de produits de l’effort: Overstim’s, Apurna, Isostar, Aptonia, Eafit, etc. etc. Par fortes chaleurs il faut privilégier les boissons les plus minéralisées (surtout en sodium; dans l’équipe j’ai conçu une poudre qui contient TOUS les minéraux qu’on perd en transpirant))  Il est classique de conseiller d’augmenter les apports salés mais bon il ne s’agit pas non plus de manger des huîtres et de la morue bien salée pendant la course. Egalement des parts de cake salé, des emballés salés, des barres salées, des tubes de gel salés, des boissons salées. Pour l’aspect fun et pour faire plaisir au « cerveau »  je demande que soient placées dans les glacières des voitures de course de petites canettes (125ml) de Coca normal et un coureur peut tout à fait boire une ou deux canettes pendant la course.

SE RAFRAICHIR ; pourquoi : sous le capot d’une voiture il y a un système de refroidissement, et bien pour le sportif il faut aussi diminuer la température du corps ; heureusement l’air (le cycliste roule donc avec la vitesse il bénéficie d’un « vent » virtuel) qui fait sécher la sueur va entraîner le refroidissement des zones exposées ; un exemple : vous êtes sur la plage, il fait 40°, vous allez nager quelques minutes et vous sortez ; une légère brise sur la plage va vous rafraîchir sérieusement et même vous faire frissonner parce que c’est l’évaporation de l’eau qui ruisselle qui va rafraîchir le corps. Donc transpirer c’est le principal moyen qu’a trouvé l’organisme pour se refroidir (sauf s’il fait très lourd car une atmosphère humide sèche moins la sueur qu’un air sec ; conclusion = danger ++++ s’il fait chaud ET lourd) En plus il faut s’ASPERGER avec de l’eau plate (avec du sirop je déconseille pour les mouches) ; asperger en particulier deux zones qui sont des récepteurs régulant la T° du corps : la nuque, et le front ; en pratique également le visage, les avant-bras, les cuisses; en plus au niveau du visage ça lave la sueur (qui peut piquer la peau et les yeux) Il est également classique de conseiller de rouler plutôt sur les côtés du peloton où on trouvera de l’air plutôt qu’en plein dans le troupeau.

APRES la course = réhydratation et reminéralisation ; en pratique je conseille de consommer tout de suite un mélange de 250ml 2/3 Vichy St Yorre 1/3 jus de raisin noir ; puis boire sucré (soda ou sirop de fruit) ; puis consommer une ou deux compotes de fruits, ça réhydrate bien et ça retire l’acide accumulé pendant l’effort dans les muscles et les tendons ; puis le coureur va pendant les deux heures qui suivent consommer ce que j’appelle une boisson de reminéralisation d’un litre et demi, ainsi composée (je parle du coureur pro ; l’amateur adaptera pour faire plus simple) : eau plate ; 250ml de jus de Cranberry (marque Océan bouchon rouge), une ampoule de Magnésium, un sachet de minéraux « GES 45 » (ou autre marque : Viatol, Picolite, etc) , une cuillère à café de sirop de Gluconate de Potassium, et 2 doses rases de maltodextrines) Je conseille aussi l’ajout d’un phlébotonique  car le retour veineux est très perturbé après un effort fourni en pleine chaleur. Bien sûr la cryothérapie peut prendre une excellente place dans ce processus de récupération, dès lors qu’elle est réalisée rapidement après l’effort. Je ne valide pas trop l’intérêt de la cryothérapie « corps entier » qui délivre à tout le corps une température de -130° !! L’intestin et les bronches n’apprécient pas trop cette brusque modification de température; j’ai testé cet outil avec quelques sportifs, peu d’entre eux ont toléré. Pour le sportif amateur je conseille simplement d’immerger les pieds dans une bassine contenant de l’eau et des glaçons et de se frictionner et arroser gentiment les jambes à l’aide d’une grosse éponge. Dans le bus les coureurs bénéficient pendant le retour à l’hôtel d’une cryothérapie au niveau des cuisses et des mollets (Game-Ready), avec un système de manchons dans lesquels circule de l’eau à 1°, associé à une compression alternative, optimisant ainsi le retour veineux et refroidissant les masses musculaires des jambes.

Attention de ne pas prendre trop tôt la douche dès la fin de l’effort, il faut attendre quelques minutes (risque de malaise)

Egalement on place sur la nuque, le front, le dos, des poches de glace pilée (attention toutefois au risque de brulure par le froid)

Dans ce milieu pro où j’exerce j’utilise beaucoup après la course la surveillance des urines avec un lecteur de bandelettes, ce qui me permet de quantifier la densité des urines et d’autres paramètres utiles pour cadrer de façon objective la réhydratation et l’apport de minéraux. Je conseille vivement que soient consommés (en plus des glucides) au repas du soir des légumes qui sont des aliments qui réhydratent bien, de même qu’en dessert une compote de fruits ; de plus ces aliments tamponnent bien l’acidité du corps après l’effort; également je conseille de saler un peu plus le repas du soir. Avant le coucher je vérifie une dernière fois la densité des urines et je demande aux coureurs de placer à portée de main à côté du lit une bouteille d’eau minérale pour boire la nuit en cas de réveil. Les jambes seront un peu surélevées la nuit pour faciliter le retour veineux.

IL FAUT SAVOIR QUE LORSQU’ON TRANSPIRE DE FACON ABONDANTE ON PERD: de l’eau, du sodium, du potassium, du magnésium, du zinc, du cuivre, du chrome, du nickel; et même un peu de fer; la perte en zinc se traduit souvent par la sensation d’être totalement « scotché sur le bitume » … la stratégie nutritionnelle avant et après l’effort doit donc s’attacher à gérer la compensation de ces pertes en minéraux et électrolytes; dans un objectif de performance mais aussi de santé. Il est ESSENTIEL de gérer la prévention du « coup de chaleur », et il peut être justifié d’avoir recours à titre préventif à la prise de Paracétamol.

Attention à la consommation de caféine qui aggrave le processus de déshydratation. Il importe de mettre en place une surveillance des urines, à l’aide de simples bandelettes, afin de s’assurer de la parfaite réhydratation du sportif, surtout si les efforts se répètent plusieurs jours (courses par étapes par exemple)

AUTRES SPORTS : ce que je viens de détailler longuement est adaptable à tous les sports ; le joueur de tennis comme le joueur de sport-co pourra consommer la même boisson d’attente, boire pendant l’effort le même type de boisson, s’asperger ; puis récupérer avec le même principe ; en dehors des structures ou le maillot officiel est de mise je conseille une tenue blanche, très aérée sous les assailles, large, des fibres existent maintenant, spécifiques pour les conditions de grosse chaleur.

Il faut aussi penser aux ouvriers qui travaillent sur les chantiers; mais souvent les horaires de travail sont modifiés.

LA SANTE DU SPORTIF, UN PEU DE BON SENS … est-il raisonnable d’attaquer un footing en milieu de journée : le sportif et son matos de MP3 aussi vont souffrir ; est-il utile de faire une longue sortie de vélo en plein cagnard ?? Les matinées sont fraîches, place aux lèves-tôt. Un match de tennis, de foot, de rugby peut toujours être reporté et c’est mieux aussi pour la peau des spectatrices décolletées et des enfants en bas âge ; pour une course cycliste c’est bien sûr plus complexe, comment un organisateur peut-il gérer en dernière minute alors que cela fait près d’un an qu’il met en place toute l’organisation de sa course, c’est quasi impossible de trouver une solution, si ce n’est de raccourcir une ou des étapes ; ou de prévoir un « plan B » comme idéalement un départ vers 9h, mais bon, pas facile …. et puis il semble difficile, comme ce qui a été proposé lors de certains matchs de rugby, de placer des espaces de pause pendant la course !!!!!

Attention au coup de chaleur chez le sportif : si les capacités d’adaptation de l’organisme à la chaleur sont dépassées, alors peut survenir un accident redoutable: le coup de chaleur; il se traduit par une grande faiblesse, MAL DE TETE « comme un CASQUE », un accès de fatigue brutale, des étourdissements, vertiges, le cœur bat plus vite, les jambes sont molles, une difficulté inhabituelle à respirer survient, des  troubles de la conscience et des maux de tête s’installent avec parfois des nausées, vomissements, crampes musculaires, la température corporelle s’élève, la respiration est plus rapide, vous vous mettez à ruisseler intensément ou au contraire la sudation diminue fortement voire même s’interrompt.  Le coup de chaleur est une URGENCE MEDICALE

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